Jean-François de Andria vient de disparaître, un gentleman nous a quittés…
Jean-François de Andria a assuré la Direction du BEREX pendant 4 années, de 1982 à 1985, succédant à Georges Douin, le premier patron de cette nouvelle filiale que Renault avait constituée à la hâte. Lui avait déjà réussi la gageure d’insuffler un véritable esprit d’équipe au sein de cette petite entité quelque peu disparate et très remontée au départ contre la maison mère.
Rappelons en effet que le BEREX a été créé dans l’urgence à la suite de la victoire aux 24h du Mans 1978 lorsqu’après ce succès, l’effectif compétition dieppois a été vivement incité à quitter son port d’attache normand pour aller grossir les troupes affectées au programme F1 sur le site de Viry-Châtillon, en région parisienne. La Direction s’est alors heurtée à une véritable bronca et à un refus catégorique de la part de la quasi totalité des intéressés. Le groupe au losange a alors imaginé le BEREX, une alternative judicieuse qui présentait le double intérêt de traiter ce problème social potentiel et de doter sa structure d’études d’une force d’appoint bienvenue pour prendre en charge l’ingénierie des modèles Alpine, le développement des dérivés sportifs de la gamme Renault et l’exploration de nouveaux concepts automobiles.
A sa création, le BEREX regroupait donc les forces d’études d’Alpine – jusqu’alors intégrées dans l’usine – et la plus grande partie de l’équipe compétition initialement basée à Dieppe. Cette PME comptait très précisément 117 personnes dans ses rangs et leur provenance était équitablement répartie entre les deux origines. Lorsque Jean-François a pris les rênes de cet attelage, il a très vite commencé à infléchir la courbe de croissance de ses effectifs avec des recrutements très ciblés et pour la plupart à fort potentiel…
C’est sous son autorité qu’a été étudiée l’Alpine GTA et qu’a bientôt pris forme le rêve américain d’Alpine. Initié dans le contexte de l’alliance éphémère nouée entre Renault et AMC, le projet très enthousiasmant de GTA US ne survivra cependant pas à la rupture brutale de cet accord.
C’est aussi dans cette période faste que le BEREX a véritablement acquis son statut de partenaire majeur du Bureau d’Etudes de la maison mère en se voyant confier, entre autres et avec succès, l’intégralité du développement de la Renault 5 GT Turbo.
Mais l’acronyme BEREX supposait par ailleurs une composante exploratoire dans son champ d’activités et ce terrain a été amplement couvert avec notamment 2 études très avant-gardistes mais qui ne dépasseront hélas pas le stade de l’avant-projet : le VVA (Véhicule Vert Alpine), une déclinaison moderne du Range Rover et qui illustrait déjà une approche « à la française » du futur concept SUV, et puis la Jeepsy, une petite Jeep à échelle 0,86, constituée d’éléments mécaniques Renault implantés dans une structure métallique tubulaire habillée d’une caisse en matériau composite.
Jean-François de Andria était un homme érudit, très cultivé, féru d’Histoire et grand mélomane ; il avait ainsi constitué une impressionnante collection de disques vinyles qui couvrait tout le répertoire classique. Mais il était également très éclectique et par exemple passionné de football ! Il avait aussi « la plume facile » et son article « Quinze années fertiles » retraçant l’histoire du BEREX, d’abord publié par la revue Renault-Histoire et ensuite repris par le magazine Berlinette mag, le démontre clairement. Il était par ailleurs très attiré par la culture japonaise et admiratif devant l’inventivité de ce peuple qui, parti de rien, était en train de révolutionner le monde automobile et d’y faire école…
Son profond humanisme sous-tendait en permanence son mode de management. Toujours à l’écoute, il cultivait le dialogue et avait le souci de déminer tous les conflits potentiels avant qu’ils n’apparaissent. C’était un vrai gentleman dans la vie et cette caractéristique transparaissait au quotidien dans la manière dont il tenait son rôle de « Patron du BEREX ».
Pour tous ceux qui ont eu la chance d’en faire l’expérience, la séquence BEREX restera l’un des temps forts de leurs carrières professionnelles et Jean-François aura largement contribué à l’épanouissement du climat de confiance et de complicité qui régnait au sein de cette entreprise atypique.
Avec sa disparition, l’AAA perd l’un de ses membres éminents, un homme de grande valeur et un soutien fidèle qui aura laissé une trace dans les cœurs. Ses obsèques ont eu lieu le 9 novembre 2023 en l’église Saint Symphorien de Versailles ; il avait 85 ans.
Le Bureau de l’AAA
