Roger Prieur, le ‟Maître carrossier” d’Alpine
Roger Prieur et Jean Rédélé étaient cousins germains mais ils ont passé une bonne partie de leur jeunesse ensemble car les circonstances de la vie ont fait que Madame Rédélé a été amenée à recueillir la fratrie Prieur…
Les deux hommes se connaissaient donc très bien et Jean appréciait les qualités de son cousin : intelligent, imaginatif, astucieux… Si bien que, lorsque celui qui allait devenir plus tard ‟Monsieur Alpine” décida de développer et de produire lui-même la voiture de sport qu’il avait en tête, c’est tout naturellement vers son cousin Roger qu’il s’est tourné pour lui proposer de l’aider à relever ce défi. Et ce dernier a immédiatement tout lâché pour se lancer dans l’aventure !
Cela se passait début 1957, tout restait encore à inventer et c’est Roger Prieur qui s’en est chargé. Le concept Alpine d’une carrosserie en polyester intégrant un châssis métallique à poutre centrale, c’est à lui qu’on le doit et ce principe caractéristique de la marque dieppoise est ensuite resté en application sur tous les modèles Alpine jusqu’au dernier, l’A610 dont la production a cessé en 1995.
L’autre page d’histoire que Roger a largement contribué à écrire, c’est la Berlinette, celle qui est maintenant devenue légendaire et dont la ligne intemporelle continue de faire l’admiration. Ce coup de génie, on le doit en effet à l’équipe animée par Roger Prieur. Jean Rédélé ne se lassait d’ailleurs pas de répéter : ‟Ce n’est pas Giovanni Michelotti qui a dessiné la Berlinette, elle est le fruit du travail de mes compagnons de l’époque, avenue Pasteur à Dieppe”.
Cette culture autodidacte de la carrosserie plastique, d’abord mise en application sur la Berlinette, Roger a ensuite continué de l’approfondir et de la perfectionner jusqu’à en devenir un expert incontesté. Au fur et à mesure des nouveaux modèles mis en production, des avancées techniques étaient introduites à son initiative, faisant progressivement évoluer le processus artisanal du départ vers une technologie semi-industrielle.
Roger n’éprouvait pas le besoin de se glorifier de tout cela. Il était d’un naturel humble et modeste. Sa faculté de répartie à l’aide d’une boutade de circonstance laissait toujours son interlocuteur désarmé, quelle que soit la nature de leur échange…
Roger Prieur avait le privilège de faire partie du premier cercle de l’entourage de Jean Rédélé ; il y a toujours eu une grande complicité entre eux et parmi tous les collaborateurs du patron d’Alpine, il était le seul pouvant se permettre de le tutoyer.
La disparition de cet ‟honnête homme” attriste chacun de ceux qui l’ont côtoyé dans cette belle aventure humaine que fut Alpine.
Il nous a quittés le 26 janvier 2015, il était dans sa 93e année.