Jean Canivet est décédé le 23 mai 2022
Il repose à Vassonville, son village natal, environné d’une nature magnifique et authentique, à quelques pas de l’église bien trop petite pour accueillir ses amis venus lui rendre hommage.
Si Jean Rédélé aurait eu 100 ans le 17 mai, notre ami aurait eu 82 ans le 6 octobre.
Depuis le 23 mai, l’Association des Anciens d’Alpine a aussi le cœur qui saigne et ne s’habitue pas à la sidération qui accompagne cette brutale disparition.
Jean a probablement rejoint le paradis des mécaniciens de course automobile où l’attendent d’autres membres de l’équipe partis trop tôt.
Quand il a quitté la réunion de travail hebdomadaire de l’association, il allait préparer avec Michel Jérôme, animateur de la matinale de France bleu, un tournage de film à bord de la Berlinette des 3A dont il assurait la maintenance et la présentation.
Recruté dans un garage de la ville, et entré chez Alpine au sein du Service Courses en 1968, il a accompagné l’irrésistible ascension de la marque vers une première couronne mondiale : le Championnat International des Marques de 1971.
C’est alors que s’est présentée à lui la possibilité de changer de discipline ; il l’a saisie et s’est embarqué pour le retour en circuit des voitures dieppoises, d’abord en monoplace de Formule 3 aux côtés d’André Désaubry, François-Xavier Delfosse, André de Cortanze et Marcel Hubert qui l’entraîneront ensuite en Sport-Prototype vers l’endurance, avec un premier titre européen pour Alain Serpaggi, un Dieppois d’adoption dont la Ville est très fière. Face à une concurrence redoutable, Alpine Renault réalise alors le grand chelem qui lui ouvre la porte de la conquête du Mans et la victoire aux 24 Heures de Jean-Pierre Jaussaud et Didier Pironi en 1978.
Le directeur de Renault Sport, Gérard Larrousse, ayant décidé de regrouper les activités compétition à Viry-Chatillon, Jean renonce à poursuivre l’aventure en région parisienne et il s’oriente alors vers un rôle d’expert maquettage et prototypage entre le Bureau d’Études et les usines de fabrication mécanique et d’assemblage véhicule.
Si son parcours professionnel exemplaire doit beaucoup à ses compétences techniques, il est également lié à des qualités humaines unanimement appréciées : discret, modeste, curieux, perfectionniste, sensible, adepte du meilleur compromis pour éloigner un conflit, il faisait figure de sage dans tous les ateliers et contextes dans lesquels il a exercé. Une belle personne, un honnête homme qui avait rapidement intégré l’Association des Anciens d’Alpine pour laquelle son investissement était total. Il était aussi connu et apprécié des passionnés qui aimaient à le retrouver et écouter ses histoires lors des salons de voitures anciennes.
Trois exemples :
D’abord Louis, un collectionneur breton qui, pris de malaise sur la route, devait être hospitalisé. Il m’a téléphoné pour que je l’excuse auprès de Jean qu’il ne pourrait pas saluer comme d’habitude. En lui expliquant la situation, je l’ai entendu fondre en sanglots ; la conversation n’a pas repris.
Ensuite Gilles, un ingénieur passé par le Bérex qui était au Maroc avant de s’engager comme pilote dans l’aventure du rallye raid. Impossible pour lui de venir accompagner son ami vers sa dernière demeure, alors pour être présent à sa manière, il m’a demandé le RIB de l’association.
Enfin Pierre, qui a écrit pendant longtemps dans un magazine dédié à Alpine, pour lequel Jean jouait le rôle de consultant historique, est venu me voir, les yeux humides, dans le village Dieppe Passion Alpine pour que je lui confirme une information à laquelle il ne pouvait pas croire.
Si le sablier invisible de nos vies se vide inexorablement, merci la vie d’avoir eu le talent de mettre Jean sur nos chemins dans l’équipe de Jean Rédélé et de Jacques Cheinisse qui nous ont rendus tellement fiers de travailler à leurs côtés.
Jean, comme ceux qui t’ont précédé, tu habites nos cœurs pour toujours, et tu ne disparaîtras jamais de nos mémoires.
Jacques Bornic
Président de l’Association des Anciens d’Alpine
